Vivre ailleurs - Laura, de Stockholm à Londres
Partir, vivre ailleurs, ça attire et interpelle toujours. Plus de trois millions de Français vivent à l'étranger estime l'Insee, mais pourquoi le fait-on et comment ça se passe vraiment ? Des réponses dans une série d'interviews entre Calgary et Sydney.
Premier portrait, Laura, Parisienne londonienne depuis septembre, après un séjour à Stockholm de trois ans, qui participe bientôt au Moonwalk Marathon de Londres.
- Pourquoi es-tu partie?
Ben je sais pas ! Je me souviens avoir dit à quelqu’un à la fac, il y a 5 ans, si je passe toute ma vie à Paris je considèrerais ma vie comme un échec. Il m’avait trouvée ridicule. J’adore Paris mais j’avais l’impression que quelque chose me manquait. Du coup je savais que je voulais partir, mais je ne savais pas trop où ni quand, et à la limite c’était pas si important. L’opportunité s’est présentée de déménager à Stockholm. A l’époque je me disais que j’y déménageais pour le Suédois que j’y avais rencontré, mais assez vite je me suis demandée si je n’avais pas décidé de rester en couple pour justement pouvoir m’expatrier.
- Tu avais déjà eu des expériences à l’étranger?
J’avais 4 ans la première fois que je suis allée à l’étranger. Enfant, on allait au Maroc voir la famille de mon père, ou à Londres puisque ma mère est prof d’anglais. Je suis aussi beaucoup partie avec l’école, au collège et au lycée. Puis quelques voyages linguistiques en Espagne au moment de mon adolescence ont achevé d’associer dans ma tête voyages et liberté. Ensuite, j’ai été au-pair quelques fois, donc je partais mais en sachant que j’allais revenir, c’était comme apprendre à nager dans le grand bain mais avec une bouée.
- En 2013, tu déménages à Stockholm, comment s'est passée ton installation ?
Socialement, quand on ne parle pas la langue, c’est compliqué. Les gens font souvent l’effort de parler anglais, mais ils retournent à leur langue maternelle quand ils sont en groupe. Il faut vraiment s’accrocher, se concentrer, et faire des efforts de sociabilité énormes pour leur donner envie de te parler, soit en anglais soit en suédois mais doucement. Il y a tous les moments où on se dit, ha vous faites ca comme ca ici ? Tiens c’est pas du tout comme ca qu’on le fait nous. Et assez vite, les notions de vous et nous se mélangent, et quand on rentre à Paris on ne sait plus si « nous » c’est les Parisiens ou les Suédois. Du coup on ne fait pas encore bien partie de la nouvelle culture, mais plus trop partie de l’ancienne culture non plus.
- Qu'est-ce qui t'a paru le plus facile? le plus surprenant?
Rien n’a été si difficile en fait. L'administratif, l'argent, tout ca c’était pas forcément agréable, mais pas difficile non plus, en tout cas pas insurmontable. On se retrouve confronté à des problèmes que nos amis "à la maison" n’ont pas forcément, et le fait de les dépasser donne le sentiment d’être invincible, de pouvoir tout faire, réussir tout ce qu’on entreprend, et donne envie de viser haut. Et CA, c’est chouette !
- Que t'apprend le fait de vivre à l'étranger ?
Je me découvre une tolérance et une flexibilité insoupçonnées ! Ca m’a rendue bien débrouillarde aussi. Maman est loin, les copines sont trop occupées pour skyper, du coup quelques fois je suis seule face à une situation épineuse, et je m'en sors toute seule comme une grande. Ca donne une sacrée confiance en soi. J’apprends aussi que je ne suis pas chauvine, mais que quand même faut pas trop dire de mal de la France, surtout pas de Paris. Et je n’aurais jamais cru être patriote, avoir un sentiment d’appartenance, mais après avoir pleuré toutes les larmes de mon corps les 7 janvier et 13 novembre 2015, il faut croire que si …
- Te sens-tu française à l'étranger ? as-tu l’impression d’être différente?
Il parait que j’ai un style vestimentaire très français, je ne sais même pas ce que ca veut dire … On me demande si c’est vrai que les Français boivent du café en fumant des cigarettes au petit déjeuner, on me parle de tout un tas d’autres clichés, on me raconte des lunes de miel à Paris, c'est formidable … C’est bien pratique pour engager des conversations, « you’re French ? Oh I love paris ! » et bim la glace est brisée ! En Suède les gens devaient s’adapter et me parler anglais, et en ça j’étais différente, mais à Londres je me sens comme tout le monde.
- Tes amis français, "étrangers" ou "locaux", ou bien c'est un mélange ?
J’ai quelques amis français, mais on s’est rencontrés par hasard, je ne cherche pas du tout le contact. En Suède, j’avais surtout des amis immigrés, qui comme moi ne maitrisaient pas le suédois. A Londres, il n’y a pas de barrière de la langue, à part leur terrible accent, et le mien bien sûr, donc pas d’obstacles pour de nouvelles rencontres et amitiés d'ici et d'ailleurs.
- Qu'est ce qui te manque?
Je suis toujours très heureuse de retourner à Paris, et très heureuse de la quitter, mais quand je n’y suis pas ça ne me manque pas. Quelques fois, quand je regarde un film français, que les gens parlent français, qu’ils sont dans des rues que je connais, je me dis que cette aisance, le fait de ne pas devoir s’adapter, me manque un peu, mais à la fin du film, je ne ressens plus ce manque.
Pouvoir voir ma mere juste pour un déjeuner, et pas être obligée de voyager et d’y passer la semaine, je me dis que ca serait sympa aussi … mais bon, il y a pire comme problèmes !
- Quels sont la chanson / le livre qui te rapproche(nt) immédiatement de la France ?
J’écoute beaucoup Carla Bruni et Nouvelle Vague, je sais c’est vieux … Je ne connais plus beaucoup d’artistes français, je me sens vieille en parlant à ma sœur qui me dit, quoi tu connais pas Machin ?!
- Comment "consommes-tu" la culture française ?
Je suivais Le petit journal de Yann Barthes, et maintenant Quotidien, et je remercie le ciel tous les soirs que ce ne soit pas « une video non disponible dans mon pays » (je grince des dents à chaque fois que je lis ce message !) Je lis beaucoup de livres en français. Je suis quelques blogs français aussi, notamment Eppcoline, j'écoute les chroniques de Nicole Ferroni… Etonnamment j’ai beaucoup plus suivi la politique française que suédoise.
- Comment te sens-tu quand tu es en France ? envisages-tu d'y vivre à nouveau ?
Un jour alors que j’étais à Paris pour une semaine, ma tante m’a demandé si j’avais le mal du pays, et j’ai pensé: "ben non je viens d’arriver…" Ensuite, j'ai réalisé que « le pays » pour moi était la Suède, mais pour ma tante, c’était la France.
Pour moi la France, c’est le pays de mon enfance, de mon attachement à mes parents, ma famille, mais j’ai commencé à vraiment me développer, à grandir et devenir adulte, qu'à partir du moment où je me suis expatriée. J’ai déménagé quand j’avais 21 ans, alors du coup revenir vivre en France, c'est comme retourner dans le temps, redevenir enfant. Bof, quoi …
- Un conseil pour ceux tentés par l’aventure ?
Oui ! faites le !!! Même quelques mois, pour voir si vous y prenez goût, dans des endroits presque pareils que chez vous ou complètement différents, à 1h d'avion ou à l’autre bout du monde, mais vraiment, essayez ! Au pire, ça ne vous plait pas, ca ne marche pas et vous pourrez toujours retourner en France. Et n’attendez pas « le bon moment » ou que « l’occasion » se présente. Rien ne se présente, nothing just happens, you make things happen.
Photos par Laura dont vous pouvez suivre le joli fil sur Instagram.
xo